Sacreubleu

Pourquoi tant de gros mots?

Holà,

Après un mois de quasi silence radio, me revoilà prête à conquérir la toile de mon éblouissant charisme bloggesque. Je vous entend d’ici bande de malveillants: « elle avait encore la flemme et préférait s’affaler dans son lit pour mater House of cards comme un lamantin échoué plutôt que de se remuer les nageoires et d’alimenter son blog ». Rien ne pourrait être plus faux!

Je suis une artiste moi, messieurs-dames. Je ne « glandais » pas, ça non. Je reconstituais mon capital créatif !

Oui, bon ok, j’ai un peu glandé.

Des sixièmes!!

Mais peu importe! Je viens ici vous raconter de nouvelles formidables zaventures. Parce que figurez-vous que pas plus tard que le 5 mars dernier, j’avais un nouveau déplacement en collèges. Au Plessis-Robinson cette fois, Lola Frizmuth ayant été sélectionnée dans le cadre du prix BuZZ’ organisé par la médiathèque (vazy comment je me la pète!). Direction le collège Romain-Rolland et le collège Claude Nicolas Ledoux pour des rencontres avec des élèves d’un genre tout nouveau pour moi (roulements de tambour): des élèves de sixième!

Jusqu’à présent, je n’avais jamais rencontré que des classes de 4èmes et de 3èmes… Je me demandais donc à quelle sauce j’allais être mangée. Des élèves de sixième seraient-ils assez matures pour avoir compris le roman? Lola est généralement conseillée à partir de 13 ans…

Je mets fin au suspens: la réponse est oui. Il s’est avéré que dans les deux groupes que j’ai rencontrés cette après-midi là, les questions auxquelles j’ai dû répondre étaient tout a fait intelligentes et pertinentes. J’ai même eu droit à des réflexions d’assez haute volée qui m’ont, je l’avoue, plutôt soufflées (je ne saurais pas retrouver la formule exacte, mais un jeune garçon m’a expliqué qu’il avait bien aimé le fait qu’il n’y ait pas d’images dans mon roman, pour pouvoir lui-même s’imaginer des scènes, et j’ai trouvé ça vraiment vraiment vraiment chouette). Pas de soucis au niveau de la compréhension, donc.

Vivacité!

Il existe néanmoins des petites différences par rapport aux 4èmes-3èmes. Les sixièmes sont moins timides et plus spontanés. Les questions fusent tant et si bien que je n’ai pas le temps de reposer mon pauvre cerveau endolori. L’avantage c’est qu’il n’y a pas besoin de les apprivoiser. Par contre, il faut avoir pris un bon petit déjeuner le matin pour faire face à ce déferlement d’énergie et d’enthousiasme. Ouaouh, vieux cheval que je suis, ils m’ont sacrément réveillée! (surtout le petit Ryan au premier rang qui n’avait pas sa langue dans sa poche!)

L’autre différence notable, ce sont les questions, aussi intelligentes que celles des plus grands, mais différentes. J’ai été surprise car les deux groupes (qui ne s’étaient pas consultés), m’ont tout deux demandé des choses que l’on ne m’avait jamais demandé avant. Ce qui prouve bien qu’on lit un livre de manière totalement différente selon l’âge que l’on a! Je prend l’exemple qui m’a le plus frappé:

« M’dame, pourquoi vous utilisez autant de gros mots dans votre livre? »

En voilà une question qu’elle est vraiment très intéressante. Sous son apparente simplicité, elle appelle une vraie réponse développée. Au premier abord, j’avais bien envie de répondre « parce que les gros mots je trouve ça rigolo » (ce qui est vrai, j’avoue) mais mes petits sixièmes étaient bien trop malins pour que je ne me creuse pas la tête pour leur donner une réponse un peu plus argumentée. Ce qui me donne une occasion en or de faire un petit exposé. Pas que j’aie encore la science infuse, mais comme cette question m’a donné a réfléchir, je vous livre ici mes conclusions. Professeur Aurélie c’est à vous.

Cette réponse la voici: dans un roman, les personnages doivent avoir un langage adapté à leur personnalité. Cela permet de leur donner plus d’épaisseur.

Dans « Où est passée Lola Frizmuth? », plusieurs narrateurs se succèdent, et pourtant, Lola est la seule à sortir des gros mots à toutes les pages. Les autres utilisent un vocabulaire bien moins fleuri. Mais pourquoi donc ma brave dame? Eh bien tout simplement parce que Lola est une rebelle insupportable qui refuse de se plier à toutes les règles. Il fallait bien-sûr que cela se ressente dans son comportement, mais aussi dans sa manière de parler… Cette rébellion passe par un refus de se plier même aux règles de la politesse. L’utilisation de gros mots n’est donc pas entièrement gratuite.

Exercice pratique

Illustrons cette démonstration par un cas pratique. Fermez les yeux et essayer de d’imaginer un personnage prononçant cette phrase: « ma mère m’a privé de sortie et je m’ennuie. Elle n’est pas très sympa ».

Vous l’avez bien en tête? Essayez maintenant d’imaginer un personnage prononçant cette phrase-ci: « La daronne veut pas que je sorte et je m’emmerde. Elle me pète les couilles! »

Puis celle ci: « Mère m’a consigné dans mes appartements. Ah! Que je me languis… Ce n’est point charitable de sa part! »

Puis celle-ci: « Mon acariâtre dragonne de génitrice a décidé de me laisser pourrir dans le taudis qui me sert de piaule. Si ça dure une minute de plus je sens que je vais tout simplement décéder d’ennui et on retrouvera mon cadavre couvert de mouches. Franchement si je vous voulez mon avis je pense que cette femme a un cÅ“ur aussi noir et dur que du granit. »

Puis celle-ci: « Maman a dit que pour me punir d’avoir fait des bêtises, je suis obligé de rester dans ma chambre. Mais moi je ne sais pas quoi faire là, tout seul. Elle est vraiment trop méchante. »

ou encore celle-ci: « naaaaaaan mais j’te jure, y’a rien a faire, ma reum me laissera JAMAIS sortir! Laisse tomber, c’est teeeeeeeeellement chiant de rester ici sans rien à faire. Nan mais c’est clair, elle est vraiment vraiment vraiment trop relou. »

Ces phrases veulent toutes dire à peu près la même chose, mais normalement, si je n’ai pas trop mal réussi mon coup, les personnages que vous imaginez les prononcer ont des apparences, des attitudes ou encore des âges totalement différents… Tout cela pour dire que la manière dont s’expriment vos personnages est très importante. Pour caricaturer, pas possible de faire parler un jeune enfant comme un adulte ou une vieille mégère comme un timide adolescent.

Je remercie donc les élèves de sixième des collèges Romain-Rolland et Claude Nicolas Ledoux pour cette question mais aussi pour leur accueil plein de vivacité. Je remercie également les professeurs, documentalistes et bibliothécaires pour l’organisation de cette très belle après-midi! (Désolée, cette fois-ci pas de photo à vous montrer, mais imaginez des élèves mignons, un poil agités et attachants!)

 

 

 

 

 

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